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Et à Jaffa la mer

Article proposé le mercredi 23 décembre 2009, par noun


A Jaffa je t’ai cherché
Tu n’y étais pas
ou plus
ou caché
abandonnant quelque chose de toi
Déboussolée après la collision
J’ai marché à ta rencontre, je de regards, je de piste, chaque angle, chaque rue, chaque pierre renvoyant à chacun de tes souffles
 
Et ce n’est pas toi que j’ai vu, mais tous les autres
Ceux qui sont là
Ceux qui ne sont plus là et qui restent, éternellement, dans les pierres, le sable et l’air de cette terre.
 
Et à Jaffa la mer.
 
Les présents oublient
Les absents répètent, désespérément
Eux n’oublient pas. Ils s’accrochent, s’agrippent à ce nom comme à un rocher en haute mer
Jaffa
Qui n’est plus qu’un nom ou plus rien
Jaffa
Autrefois centre
Aujourd’hui appendice
Autrefois grandeur
Aujourd’hui perdue
Autrefois bonté
Aujourd’hui violente
Mais surtout
Absente
Absente à elle-même
Et malade
Claudicante
Jaffa s’anesthésie, croit se soigner
Jaffa vend sa mémoire par petites pièces.
 
Et toi ?
Tu la détestes
Comme on aime sa mère
Comme on aime son père
Tu la fuis et tu y reviens
Tu t’y caches et tu veux t’y oublier
Comme elle
Consciente et négatrice
Tu ne veux pas voir
Tu ne veux pas voir
Ni moi, ni la lumière
Pourtant
la lumière
elle écrase
elle rend les rues désertes
la fuir renforce sa présence on y peut rien elle éclaire tout ce qu’on ne veut pas voir
Ne pas voir pour ne pas savoir, ne pas savoir pour ne pas être.
 
Alors quand on n’est pas, on a.
On a au moins
L’illusion de l’avoir
Illusion bruyante même
Elle danse la nuit du vendredi le long de la rue yefet
Ballet incessant et confus
Des voitures d’où s’échappent les cris de l’amour mièvre version arabic pop
Et les rôdeurs ont pour mission de tout faire trembler, des fenêtres jusqu’aux cœurs endormis
Mais on ne réveille pas les morts
Même s’ils sont vivants.
 
Jaffa, blessée, tente de survivre comme le poisson au bout de l’hameçon
Et à Jaffa la mer.
 
II
 
Jaffa, tes enfants sont là, pleins de vie
Et courageux
Et vivants
Vous, ô parents, comment porter la vie lorsqu’on est déjà morts ?
On a déconstruit vos maisons, pierre par pierre
et avec elles votre mémoire
On a fait couler votre sang
On a réécrit votre histoire
On voudrait vous faire perdre ce qu’il vous reste, votre langue
On vous a pris l’espoir en échange de la promesse du paradis
Même s’il est artificiel
Surtout s’il est artificiel.
 
A Jaffa, j’ai vécu parmi les hommes, j’ai vécu parmi les morts
Car qu’est-ce qu’un homme sans conscience de son histoire ?
Vos enfants vous voient
Et savent
Et suivent.
Et cette voie
Ou l’oubli de l’histoire
Ou l’oubli de soi
Ce n’est pas un choix
Mais eux, vivants encore
Vous voient et voient à travers vous la flamme de la vie, la voie
Ils avancent, ils vont, ils apprennent, ils partent et reviennent. Ils grandissent et avec eux votre espoir.
 
Ils cesseront alors d’être les « aravim tovim * » en se souvenant d’eux-même et de la mer.
Et à Jaffa la mer.

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