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LE PRINTEMPS MEXICAIN

Article proposé le mercredi 23 avril 2014


Au lendemain du résultat des élections présidentielles au Mexique, François Hollande n’a pas manqué de féliciter Enrique Peña Nieto, alors même que l’Union Européenne, par le biais de Mr Barroso, avait déclaré qu’il s’agissait d’une fraude massive et indiscutable.

Le 1er Juillet 2012, le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), la droite modérée, totalisait officiellement près de 38% des votes, contre 32% pour son rival principal, Andres Manuel Lopez Obrador (du PRD, la coalition de la gauche modérée) et 25% pour Josefina Vásquez Mota (du PAN, parti de la droite conservatrice sortante).
Comme à plusieurs reprises par le passé, ce scrutin a été entaché de nombreuses irrégularités, ce qui n’a pas empêché l’Institut Fédéral Électoral du Mexique et le Tribunal Électoral Fédéral de fermer les yeux sur ces fraudes et d’accorder leur blanc saint à l’élection de M. Peña Nieto – malgré le dépôt d’un recours pour irrégularité.
Les procédés employés par le PRI ne sont pas nouveaux, puisque ce parti n’a eu de cesse d’y avoir recours durant les 71 années successives qu’il a passé au pouvoir (de 1929 à 2000). Parmi eux, on peut citer les traditionnels bourrages d’urnes, l’impossibilité pure et simple de voter (en raison d’un manque de bulletin dans les bureaux de vote… !) et les votes contraints sur le lieu de travail. La situation a même pris une tournure ubuesque lorsque, après l’élection, de nombreux citoyens ont manifesté leur mécontentement devant les magasins pour lesquels ils avaient reçu, en échange de leur vote, des cartes d’achat non créditées du montant promis…
De tels phénomènes nous ramènent aux problèmes de fond qui rongent la société mexicaine et s’entretiennent mutuellement : la pauvreté (52 millions de pauvres sur 114 millions de mexicains), le manque d’éducation, la corruption et la violence (l’homicide étant la 1ère cause de mortalité chez les moins de 30 ans).
L’alternance politique, de 2006 à 2012, avec l’arrivée au pouvoir du PAN de M. Calderon, a été marquée par une flambée de violence. La guerre ouverte lancée par le président Calderon contre les cartels de la drogue s’est soldée par un échec et plus de 60 000 morts sur cette même période (sans compter les nombreux « disparus »). Sans doute cela a-t-il réellement pesé sur l’élection : une partie des électeurs aurait ainsi opté pour le retour du PRI au pouvoir, afin que celui-ci monnaye, comme auparavant, une paix relative avec les cartels.

Mais cela ne suffit pas à expliquer la victoire d’Enrique Peña Nieto. L’opposition estime en effet qu’environ 5 millions de votes auraient été détournés. Ces chiffres s’appuient notamment sur la mobilisation sans précédent des citoyens eux-mêmes, qui se sont massivement rendus dans les bureaux de vote pour surveiller le déroulement du scrutin et constater, photos et vidéos à l’appui, les innombrables irrégularités – autant de preuves qui sont immédiatement venues inonder les réseaux sociaux sur internet.
Au cœur de cette mobilisation citoyenne se trouve le mouvement étudiant « Yo soy 132 »1. Au mois de mai 2012, lors de la visite du candidat Enrique Peña Nieto à l’université Ibéroaméricaine de Mexico, un groupe d’étudiants lui manifeste son hostilité, l’obligeant à partir.
Par la suite, le président du PRI et les différents médias du groupe Televisa (qui contrôle les deux tiers des chaînes de télé gratuites) ont relayé l’information outrageuse selon laquelle ces étudiants auraient été une simple poignée d’agitateurs payés par l’opposition.
Dans la foulée se créé ainsi le mouvement « Yo soy 132 », qui organise des manifestations monstres contre la concentration des médias dans quelques mains et la manipulation partisane de l’information et des sondages par ces derniers2. Le mouvement s’organise rapidement à l’échelle nationale : dans les différentes universités du pays se réunissent des Assemblées où l’on débat des actions à mener pour impulser un sursaut démocratique. Également baptisé « le printemps mexicain » pour l’engouement inédit qu’il génère au sein de la population,

ce mouvement parvient notamment à faire organiser deux nouveaux débats entre les candidats à l’élection. Après l’élection, les manifestations massives se poursuivront pour protester contre les fraudes.
Hormis le mouvement zapatiste au Chiapas, le Mexique n’avait pas connu de soulèvement populaire d’une telle ampleur depuis la révolte de 1968 et sa répression sanglante. Aujourd’hui assommée par la victoire factice d’Enrique Peña Nieto, la jeunesse mexicaine

trouvera-t-elle les ressources pour continuer de mener la lutte contre cette « dictature parfaite », clientéliste et au besoin violente, que dénonçait déjà l’écrivain et essayiste Mario Vargas Llosa3 ?
Quoiqu’il en soit, prenons dors et déjà notre part de l’enseignement de cette élection mexicaine. De fait, nos propres médias télévisés n’ont quasiment rien couvert de ces événements, restant focalisés sur leur nombril pour l’élection présidentielle en avril-mai, puis préférant se repaître des traditionnels marronniers dont ils ont le secret : révisions du Bac en juin et premiers bouchons sur la route des vacances en Juillet… Dans ces conditions, qui pourrait bien en vouloir au président Hollande d’avoir si chaleureusement salué la « victoire » de son homologue mexicain… ? Certainement pas les grands entrepreneurs français, qui sauront trouver leur compte dans la politique néo-
libérale de M. Peña Nieto4…

Julien Perrot

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