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Table ronde : TO7 entre héritage et avenir

Article proposé le mercredi 21 mai 2014


Après le passage d’artistes et musiciens, s’est tenue une étrange « table ronde » pour la fête des 30 ans. Étrange car il n’y avait ni table, ni rond mais une rangée de participants invités à faire tourner et circuler leurs paroles. Nous ne pouvons pas ici restituer toutes les paroles échangées mais tenter d’en rapporter une partie, pour partager avec tous les lecteurs du Sept la richesse de ces interventions. Nous conservons le côté oral de ces interventions spontanées.

La présidente de TO7, Mme Solange Hollard, remerciait tous les participants et acteurs de ce temps de fête avant d’ouvrir cette table ronde sur le thème de « TO7 entre héritage et avenir » en soulignant l’importance de ce « questionnement continu sur son propre rôle, ses pratiques et sa fidélité à ce que l’on veut être ».

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C’est le Pasteur Didier Fievet qui a accepté de jouer le rôle d’animateur pour les invités qui connaissaient tous TO7 depuis de nombreuses années. Les personnes ayant répondu présent pour cet échange étaient Mme Zohra El Kouacheri du Conseil Général, Mme Claude Touchefeu adjointe à la Mairie de Toulouse, Mme Jacqueline Lescombe participante au groupe fondateur de TO7, Mr Gérard Gougne Pasteur directeur à l’origine de TO7, Mr Moustafa Souidi habitant du quartier et habitué de TO7, Mr Jean-Pierre Nizet Pasteur de Toulouse et ancien accompagnateur de TO7.

C’est Didier Fievet qui ouvrait ce temps d’échanges en demandant si « depuis l’intuition de départ de TO7 jusqu’à ce que vous pouvez imaginer demain qu’est-ce qui vous semble devoir demeurer, rester pérenne ? Qu’est-ce qui vous semble devoir être préservé, modifié peut-être, réformé toujours, mais néanmoins préservé ? »

Jean-Pierre : TO7 est un lieu d’accueil et d’ouverture où toute personne se sent accueillie. Nous sommes dans une société où malheureusement on a l’habitude de nous dresser les uns contre les autres, alors qu’à TO7, qui que l’on soit, on est reconnu pour ce que l’on est. C’est ce qui me paraît essentiel, ce lieu pour rien. Alors je sais que cette expression « le lieu pour rien » est une formule qui a agacé beaucoup de monde, parce que le « lieu pour rien » ça sert à rien du coup ! Alors que ce lieu pour rien est un lieu où il peut se vivre énormément de choses. Et la première chose à marteler c’est que, qui que l’on soit, on est reconnu dans la dignité inaliénable de chaque personne. C’est l’essentiel de TO7 qui est à maintenir.

Didier : je vais me faire l’avocat du diable ! Du coup comment un institutionnel, quelqu’un qui a la charge d’administrer, de faire un budget et d’en rendre compte à la collectivité, comment articuler cette responsabilité avec cet intitulé : « un lieu pour rien ».

Zohra : Pour se déterminer pour les subventions ce n’est pas qu’une question d’argent mais une question de projet. Lors des Assemblées Générales de TO7 nous regardons autant son bilan que ses perspectives. Et notamment, ce qui a été retiré de l’année précédente pour imaginer un « plus » pour l’année suivante. Comment faire avancer les choses, mettre d’avantage d’équité ou d’équilibre…, c’est cela que nous évaluons en tant qu’institutionnel.

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Jacqueline : Je voudrais insister sur le fait que lorsque le premier groupe s’est réuni, on ne s’est pas dit au premier jour : « on va créer TO7 ». Et cela se retrouve tout au long de la vie de TO7. C’est-à-dire, être disponible à l’événement, être à l’écoute des faits de société. Et on a fait le pari, et je tiens à ce mot, le pari un peu fou d’aller offrir un espace à des gens privés de parole et s’engager à ce que cette parole soit portée sur la place publique et soit répercutée. Ça continue, c’est ça qui est fait, et vis-à-vis des institutions, c’est ce qu’il faut faire comprendre et défendre. C’est-à-dire ce lieu pour rien doit être financé pour rien ! Il ne doit pas y avoir une obligation de résultat. Et c’est là que réside la folie du pari, mais moi je continue à croire à ce pari fou !

Claude : Mon histoire avec TO7 ne commence pas en tant qu’élue mais depuis sa création il y a 30 ans. TO7 a cette place particulière qui fait que quelle que soit sa place, on y a sa place. Et moi j’y ai trouvé ma place en tant que citoyenne, militante du quartier, puis après en tant qu’élue.
Alors, on va tous s’accrocher sur cette notion du « lieu pour rien » parce que c’est très provocateur comme expression ! Et puis, en fin de compte, on se l’ai tous et toutes, quelque soit notre place, en tant qu’usagers, militants, habitants et élus, appropriée cette expression et même la défendre là où il y avait besoin de la défendre.
Il est évident que dans nos assemblées, dire il faut donner de l’argent pour « un lieu pour rien » est assez provocateur ! Mais cela a fait comme une chaîne… Face aux premiers qui ont défendu cette expression, on était un peu incrédules : on ne va pas vous donner de l’argent pour rien ! C’est pas possible. Et puis on se retrouve en train de défendre cette idée auprès de nos collègues en disant : « Si, c’est important ! ».

Alors, qu’est-ce qui est important dans ce « lieu pour rien » ? C’est quand même une question clé dans notre cité, dans notre citoyenneté. Des endroits comme TO7 où chacun peut être accueilli mais aussi quand la parole circule, chacun a une voix et pas plus qu’une voix ou pas moins qu’une voix, où chacun a un temps pour parler, je crois que c’est quelque chose de fondamental dans la citoyenneté telle que nous voulons la vivre. Même si cela ne veut pas dire qu’à certains moments donnés nous n’assumons pas des rôles différents.
Il y a un endroit, ce lieu pour rien avec ces repas-débats du jeudi qui sont pour la vie du quartier des moments uniques où des choses très différentes peuvent se débattre avec des discussions aussi bien sur la création et l’art que la politique internationale. Des endroits comme celui là où l’on peut discuter sans enjeu immédiat, sans confrontation, sans qu’une décision ou une subvention soit en jeu, mais qui permet simplement à chacun de construire sa pensée et éventuellement la décision que l’on aura à prendre ailleurs, oui je pense que c’est un lieu qu’il faut défendre.
Et puis, ce n’est pas parce qu’on dit « un lieu pour rien » qu’au bout du compte, a posteriori, il n’y a pas des bilans qui sont présentés par TO7. TO7 en fin d’année ne dit pas « on a rien fait ». A travers ce lieu pour rien, TO7 est capable de défendre et présenter des actions. Même si on sait que peut-être l’année prochaine ce ne seront pas les mêmes actions parce qu’il y aura eu une évolution, une réactivité, quelque chose qui se sera mis en œuvre… Il n’y a jamais eu une opacité de ses résultats mais, au contraire, des gens qui ont toujours défendu la réalité de ce qu’ils ont fait dans ce lieu pour rien. Un lieu pour rien ne veut surtout pas dire : « on ne vous raconte pas ce qui s’y passe ».

Didier : Pour le moment j’entends une constante : TO7 est un lieu de disponibilité vis-à-vis des personnes, quelles qu’elles soient. Et aussi de ce qu’elles vont dire pour que leurs paroles soient portées et qu’elles circulent, que le rien soit rempli par leurs demandes, leurs besoins, leurs souhaits et qu’ainsi soit exprimé ce qu’ils ressentent comme difficultés ou comme espoir.

Gérard : J’ai souvenir qu’au tout début de TO7 on avait toujours des problèmes avec ces subventions : on nous disait : « présentez-nous votre projet , l’année prochaine qu’ allez vous faire… ? » On en savait rien ! Comment voulez-vous demander de l’argent pour des projets qu’on ne connaît pas ? C’était toujours très difficile !
Vous savez par ailleurs que je suis théologien et que j’ai fait une formation socio-éducative. Quand je suis venu et que je me suis annoncé comme socio-éducatif, j’ai des collègues Pasteurs très réacs qui ont dit : « on a pas besoin de ça dans l’Eglise Réformée nous on veut des pasteurs qui prêchent dans les églises… ». Et quand avec cette formation socio-éducative j’ai découvert les locaux collectifs résidentiels que Charles De Gaulle avait obligé de construire dans tous les HLM pour que les gens puissent se réunir et avoir des lieux de parole, des lieux d’organisation, je suis allé chercher ces locaux et je les ai trouvés, souvent vides, certains servaient à stocker des skis, et moi j’ai dit : « je veux ces locaux, je veux les utiliser ». Et c’est comme ça qu’on a récupéré des locaux au cheminement Glück.
Comme je suis Pasteur, c’est vrai qu’il y a une parole… Je peux vous le dire maintenant que je ne suis plus là… Parce que quand je suis arrivé ici, il y avait des jeunes qui disait : « je vous présente Monsieur le Pasteur ». La 3eme fois que la même personne a fait ça, je lui ai dit :
« maintenant je ne veux plus que tu me présentes comme ça ! ». Pourquoi ? Parce que on disait « c’est le Pasteur ! »… Alors s’il était catholique il disait « ah bon, alors qu’elle est la différence avec les catholiques, et la vierge-Marie et tout le bataclan » et le gars il repartait chômeur ou avec son problème sans avoir dit quel était son problème. Alors c’était interdit de dire « Monsieur Gérard Gougne, le Pasteur ». Et ceux qui me traitaient de « socio-éducatif » disaient : « voyez, il ne veut même pas qu’on dise qu’il est Pasteur , on doit pas lui payer un salaire à ce gars-là… ». Voilà le combat qu’il y avait et qui était très intéressant !

Et comme je suis Pasteur, vous savez bien qu’il y a dans ces textes qui nous animent : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et je me souviens des formations avec les gens qui faisaient l’accueil à TO7, on leur disait :
« Comment tu aurais aimé être accueilli si t’avais été à la place de ce mec-là qui est étranger ou sans papier ou qui a faim ? ». Le prochain c’est pas l’autre mais bien le proche, celui où tu peux te mettre à sa place. Et alors là on se rend compte que j’aurais pas aimé qu’on fasse ou qu’on ne fasse pas pour moi certaines choses. Et là, il se passait quelque chose de très important pour ces accueillants obligés de se mettre à la place de l’autre, d’un autre à respecter totalement.
Et dans cette phrase « tu aimeras ton prochain comme toi-même », cela veut aussi dire que tu t’aimes toi-même. Que l’autre non plus ne doit pas mettre sa patte sur toi. Ni toi chez lui, ni lui chez moi. C’est une chose très importante.
Et puis il y a eu ce cri quand le peuple hébreux était en exil à Babylonne : « Mon Dieu, Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? », qui a donné le Psaume 22 repris par Jésus. J’aime beaucoup quand Jésus, au moment de mourir, complètement désespéré, reprend ce cri, cette plainte (comme la plainte au tribunal ou des syndicats qui ont à crier quelque chose d’insupportable), qui devient une prière… Et donc TO7 c’était pour moi profondément un lieu de prière où on devait entendre ce que disaient les gens qui avaient mal, qui étaient exploités, qui étaient étrangers, qui étaient sans papiers, qui ne pouvaient plus vivre dans les conditions qu’on leur faisait en France…
Et non seulement il ne fallait pas dire « voilà, j’te présente le Pasteur » pour parler des vrais problèmes, il fallait être dans un niveau horizontal, où on était pas écrasé par la verticalité des bâtiments, comme la transcendance qui te tombe sur la gueule et qui t’écrase, il fallait être dans l’horizontalité avec les autres, en face à face et vivre ça au maximum…
Alors maintenant, pour l’avenir, je pense que ça doit s’adapter, il faut garder ce fondamental : « tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est à dire le respecter, l’écouter, et ne pas faire des projets pour lui, ne pas mettre nos pattes d’araignées sur lui et lui sur nous. Et ça, je crois que ça peut se continuer, quelque soit l’évolution des situations. Et les gens qui continuent aujourd’hui, continuent à s’adapter et je les en félicite ! C’est merveilleux ! Merci !

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Moustafa : Je suis très heureux d’être ici aux 30 ans de TO7. Cela fait 18 ans que je connaisTO7. J’y suis venu dans les premiers temps comme demandeur d’emploi pour bénéficier de tout ce qu’il y avait ici à TO7.
Aujourd’hui ce n’est plus le cas mais je continue à venir. Et si je viens à TO7 c’est parce que j’ai besoin de parler, de communiquer. J’y viens assez souvent et TO7 m’a appris pas mal de choses. A connaître les gens, à rencontrer des gens de divers horizons.
Aujourd’hui je n’oublie pas que TO7 a été à l’avant-garde de certaines revendications sociales. Je me rappelle toutes les journées où on était là, avec Gérard Gougne, à faire des banderoles. Par exemple pour la gratuité des transports pour tous les demandeurs d’emploi et chômeurs en fin de droit.
J’ai passé pas mal de temps ici et surtout au niveau des débats, où c’était pas évident de donner la parole à un demandeur d’emploi et de l’écouter. C’est ici à TO7 que ça a été possible.

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Didier : L’intervention de Gérard Gougne qui met en avant les ressorts spirituels dans un combat laïc nous amène à réfléchir sur la question de la laïcité et du rapport aux religions. Il peut être dangereux d’instiller « du religieux » dans un monde comme le notre où religiosité et fanatisme se confondent . Mais il y a une autre vision du rapport à la spiritualité, un rapport qui génère du respect pour l’autre et qui permet à tout le monde d’être reconnu dans ce qui le constitue, dans son altérité. Selon l’intitulé du débat : « TO7, entre héritage et avenir » ne sommes nous pas à un tournant de cet avenir ?

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Zohra : Il y a 2 choses qui me semble importantes. Tout d’abord il faut que la parole émerge de l’habitant. Ce n’est pas nous qui avons quelque chose à lui dire mais l’habitant qui a quelque chose à dire.
Et puis, nous sommes dans des sociétés qui nous poussent à nous retrancher, nous enfermer en communautés. Cette séparation des gens par ethnies donne une société de conflit. Les véritables problèmes ne viennent pas de nos différences mais de notre « égalité ». On est pas égaux, il n’y a pas de justice sociale tant que un mange 2 repas par jour tandis que l’autre un seul… La véritable question est d’ordre économique et pas d’ordre racial - même si je n’aime pas ce mot « race » et que je suis contente qu’il ait pu être enlevé du 1er article de la constitution - La seule race qui existe pour moi c’est celle de l’humanité.

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Jean-Pierre : TO7 est un lieu où, comme l’a dit Moustafa, on découvre le sens du collectif. Dans une société morcelée par le « moi je », par l’individualisme, le cynisme, par des phénomènes de démission et résignation, TO7 est un lieu particulier d’apprentissage du « nous », du collectif à partir duquel peut s’amorcer des combats. Comme,par exemple, lorsque j’étais sur TO7, les « recalculés », où des chômeurs avaient été amputés de leurs allocations de manière rétro-active. On s’est battu, on a fait des permanences, jusqu’à avoir finalement gain de cause.
Ce qui est important pour moi, c’est de dire qu’il n’y a pas de déterminisme, de malédiction qui pèse sur la personne, pas de fatalité. On peut transformer les choses, on peut se relever, on peut agir collectivement. Et TO7 est ce lieu où on peut expérimenter le sens du collectif et du « être ensemble ».

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Claude : Je voudrais reprendre ce que dit Jean-Pierre. Dans ce “nous”, ce collectif qui circule, chacun y vient avec ce qu’il est. Avec ses motivations, que ce soit des problèmes ou l’envie d’être avec les autres, chacun avec de bonnes raisons. Et ce
« nous » n’est pas construit ni par une Église, ni par un dogme, ni par le haut, mais par ses utilisateurs, par ce que chacun amène.

Cela nous a posé des questions dés le début. Qu’est-ce que ce lieu, animé par un Pasteur, qui ne veut pas qu’on le dise, mais qui l’est quand même ! Qu’est-ce que c’était que ce lieu qui, à la fois, était porté par un pasteur et en même temps ne revendiquait pas de porter une parole pré-construite dans une Eglise. Mais qui ouvrait ce lieu de débat. Et la meilleure preuve que cela a été possible c’est la longévité de TO7. Si ça avait été une parole déguisée, si on avait ouvert mais qu’à la fin il y ait le sermon, une parole plaquée, alors, premièrement il n’y aurait pas eu le soutien des pouvoirs publics et il n’y aurait pas eu non plus, ce lieu de rencontres fantastiques qui permet à chacun de venir tel qu’il est. Et je crois qu’il est important aussi d’en parler, que ce ne soit pas quelque chose de caché. Il y a eu à un moment donné une tentation de se cacher un peu. Et je crois qu’il faut être très clair, ne pas cacher et en même temps dire que s’il y a une parole plaquée, du prosélytisme, même souterrain, ce lieu n’aura pas d’avenir.
C’est ce qui a fait sa force jusqu’à maintenant : assumer son origine et en même temps de s’en détacher complètement en matière de liberté de parole.

Jacqueline : Ca me fait plaisir que ce soit une personne élue qui explique à l’Eglise la chance qu’elle a d’avoir un lieu comme TO7 ! Parce que ça n’a pas été facile. Cette question permanente qui est ancrée dans les communautés religieuses, et la nôtre n’échappe pas à la règle, c’est : « qu’est-ce que vous allez faire pour les protestants ? »… Et bien rien !!!! Mais avec eux, peut-être quelque chose.
C’était l’Eglise qui voulait sortir de ses murs par la grande porte mais non pas pour aller raconter ses histoires mais pour permettre à ceux qu’elle rencontrerait de raconter la leur. Et ça, pour moi, c’est la Grâce. Et ça je pense que ça a de l’avenir !

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Gérard : J’aimerais revenir sur l’exemple des repas-débats qui a été cité tout à l’heure. Les repas-débats sont un lieu de pédagogie très intéressant. A la création de TO7 on a très vite reçu plein d’invitations d’associations, des collectivités territoriales, pour divers événements… Immédiatement on a affiché ça sur les murs. Cela permettait à des gens intéressés de s’y rendre au nom de TO7 !
Quand par exemple on a reçu l’invitation de « Solidarité-emploi » pour aider les chômeurs à créer leur entreprise j’ai trouvé cela hallucinant de vouloir transformer des chômeurs en patrons ! Et un garçon et une fille de TO7 y sont allés plusieurs fois et on a découvert peu à peu que les chômeurs pouvaient ainsi s’impliquer dans la ville.
Dans les repas débats on donnait la parole aux gens. Mais attention, il fallait qu’ils la demandent la parole. Et ça ce n’est pas facile, de demander la parole, d’attendre que ceux qui l’ont demandée avant toi aient parlé puis de parler à ton tour. Et c’est difficile aussi de parler dans un moment d’un sujet, d’affirmer son idée qui est déjà peut être passée au moment où je reçois la parole. Cela permettait une formation des gens à parler, à prendre la parole en public. Si ils pouvaient la prendre, à leur tour, en décalé sur un sujet sur lequel ils étaient obligés de revenir, pour s’expliquer, argumenter ou accepter d’être mal compris… et bien ces gens, ensuite, pouvaient publiquement intervenir dans n’importe quelle circonstance de réunion publique ou politique. Et on voulait que ça, ce soit possible. C’était la pédagogie fondamentale de TO7.

Didier : Disponibilité, lieu porte-parole, pas une vérité qui viendrait en surplomb mais une disponibilité, une mise à l’écoute qui permettent à chacun, petit à petit, de rassembler ce qui va faire vérité en lui et va lui permettre d’affirmer la vérité dont il est porteur dans l’espace social et d’en faire une revendication singulière et collective en même temps. TO7 est la conjugaison de ces différents éléments. TO7 est cette espèce de petit micro qui permet que nous prenions la parole.
Et j’aime entendre dans tout ce que vous venez de dire qu’il s’agit bien d’un « nous » : que nous prenions la parole. La parole des autres est faite nôtre : tout ce qui fait souffrir l’humain, tout ce qui le réduit, ce qui l’abîme, c’est une blessure que nous portons comme quelque chose qui nous est propre.

Claude : Nous, en tant que représentant institutionnel, on a parfois des places différentes selon les moments. Parfois, on est l’interlocuteur vers qui se dirige la revendication, la demande…. C’est notre rôle, on l’assume, même si c’est parfois un peu dérangeant, c’est notre fonction. Et je crois que TO7 est justement ce lieu où des paroles se construisent et nous acceptons d’être l’interlocuteur de ces demandes.
Mais ce qui est appréciable aussi, c’est que parfois, on est aussi inclu dans le groupe parce que nous faisons société ici, l’avenir de ce quartier nous intéresse puisque nous y sommes aussi, et nous nous retrouvons dans la construction collective et ce « nous » est alors rendu possible.Et cette richesse là, pour nous, représentants institutionnels, d’être à cette double place, parfois en face, parfois partie du groupe, est un lieu rare ! Et c’est très important et très appréciable pour que nous puissions agir ensemble.

Suite à cette table ronde a eu lieu un lâcher de ballons, 30 ballons pour les 30 ans de TO7. Chacun porteur d’une parole écrite par un participant. 30 paroles, portées par le vent et des paroles fortes prononcées au cours de cette table ronde, des paroles qui restent et nous aident à construire l’avenir de TO7….

Retranscription par T. Faye

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