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Magdy Basstorous : une peinture de la Splendeur

Article proposé le mardi 8 juillet 2014


Chaque œuvre “ abstraite “ de Magdy Basstorous manifeste la procession de la Lumière traversant diverses graduations du Réel. Au plus près de son éclat et de sa fulgurance, elle se fait proclamation et vénération de la Splendeur. L’artiste a quitté le champ symbolique - animé par des imbrications de visages ou par les thèmes du poisson et du pêcheur - pour se tourner vers la “ musique “, celle qui accorde en un même emportement l’intérieur et l’extérieur.  
Se dégageant tout d’abord non seulement de la représentation d’instruments mais également de la suggestion de mélodie ou d’harmonie, il s’est attaché à “ peindre le son “ afin de rendre l’aspect léger, vibrant et envoûtant de sa diffusion et de sa résonance dans toutes les strates de l’âme et de l’Etre.
En écho à ce déploiement les compositions en oblique se sont laissées moduler par des courbes, des lignes ondulées, des spirales et des volutes. Tout en exigeant épuration et ascèse, elles ont délivré une profusion qui, loin de relever d’une anarchie pulsionnelle, correspond à un autre plan de conscience, d’affectivité et de spiritualité. Conjointement à la modification de la spatialité et de la temporalité, la couleur, sublimant sa dimension charnelle, est devenue subtile et même discrète à même sa somptuosité en se mettant au service de la source lumineuse dont dorénavant elle procède.
Le tableau La légende de Saint Georges (visible sur le site) peut apparaître décalé de par sa facture et en ce qu’il répète l’iconographie de Saint Georges et le Dragon. Il n’en est pas moins l’indice d’une étape psychique importante, voire d’une conversion, que le processus créateur a intégrée et transformée dans des œuvres toutes nouvelles, originales et désormais sans titres. Car le combat des forces antagonistes qui a fécondé un temps la coloration, se trouve à présent enveloppé par la lumière, laquelle, loin de détruire la matière, les corps et le sensible, les élèvent à un autre stade. Dans la courbure de l’Englobant ont lieu les interpénétrations de l’activité et de la réceptivité, de l’expansion et de la concentration, de l’ardeur et de la tendresse, de la victoire et de la gratitude amoureuse.
Dès lors l’œuvre de Magdy Basstorous engage tout à la fois énergie, immense liberté, cohérence et exactitude. Elle suscite vision, frisson, chant et danse de l’âme incarnée. Elle met en contact le visible et l’invisible, le phénomène et le caché, la forme sans figure et le fond sans fond du mystère. Elle relie par sa sobriété et sa magnificence Lumière, Couleur et Esprit. Le peintre qui évoque lui-même la Trinité, a consenti à être le creuset d’un syncrétisme vivant d’Orient et d’Occident. S’il se plait tant à écouter Oum Kalsoum, la chanteuse diva de son Egypte natale, c’est pour retrouver la
“ nostalgie “ authentique, laquelle rappelle par delà le simple vécu, la vibration du tarab, état d’inspiration et d’extase. Chaque création est re-commencement. Partant d’une disposition affective initiale qui s’enracine dans l’histoire personnelle surmontée et dans ce qui la dépasse, elle épouse, telle une vague, le flux et le reflux de l’Origine.
Certains tableaux invitent à un parcours dans l’entrelacs de différents blocs de mémoires et de réminiscences. Des traces et empreintes se mêlent ou se superposent à des patterns ou formes de spirales en mouvement, et à des sortes de frises de cercles successifs. Se multiplient ainsi les rythmes tandis qu’est maintenue l’Unité de la Totalité. Dans d’autres tableaux des patterns, bandes et lignes, déployés en oblique ou en horizontal-vertical, se stimulent réciproquement. Des éléments quasi géométriques - carrés et rectangles étirés ou condensés par dynamique interne - ou des pans de pseudo bâtisses jouent avec des semblants de reflets mobil es et étranges. Ce ne sont pas en fait des reflets mais d’autres degrés de perception, d’affect et de réalité. Qu’une “ figure imaginale “ centrale se détache sur un fond ou que tout l’univers semble en expansion, l’espace pictural s’étend et se métamorphose, de plus en plus fréquemment, selon deux couples en interaction interne et externe : oblique/spirale et plissement/onde, chacun des éléments-événements étant accompagné de contre-mouvements.
La distinction et l’interaction des trois
“ espaces “ - objectif, pictural et spirituel - ont pour effet qu’un élément apparemment identique ne se situe ni dans le même lieu ni dans le même instant et que sa vitesse en est elle-même relative. Parallèlement l’atténuation des contrastes colorés - par éloignement ainsi que par accompagnement de complémentaires et de blanc - favorise l’impression de libre contrée et de sérénité. Le duo jaune/bleu qui impliquait tension dramatique de la retenue et de l’ivresse, laisse accéder du vert et du blanc au sein d’une ondulation générale. Ou bien c’est le rapport rouge/bleu qui gagnant en délicatesse, dégage du violet et impulse un rythme à des plages ou concrétions en jaune, blanc et rose. Enfin un vert kaki, plus ou moins clair ou foncé, se marie avec du rose ou du rouge pour, en se bordant de blanc, offrir la sensation d’une entité tourbillonnante, diluée dans une spatialité fluide et infinie porteuse de potentialités cherchant à naître et apparaître.
L’utilisation de l’acrylique (sans eau) sur du bois aggloméré recouvert et suffisamment dur, permet à l’artiste d’étaler et de travailler rapidement les couches, de les consolider ou de les alléger, de les percer et d’y inscrire des “ signes “ ouvreurs de temps et d’espace. La maîtrise technique est d’autant plus incontestable qu’elle ne s’affiche pas comme telle mais se subordonne au but de l’expérience intérieure : faire accéder et transparaître en un même Moment la manifestation de la lumière et l’acte humain recueillant la présence de la Splendeur. Cette œuvre d’une puissance singulière révèle la réserve et l’émerveillement de qui s’efforce de satisfaire la vocation de ce qui embellit la vie. En retour, comme poussant au dedans de nous jusqu’au seuil de la parole, des mots oubliés - excédant toute mesure et toute croyance - reprennent sens.
Emus et revivifiés, nous nous réjouissons de la chance d’exister.

Viviane Rosé

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