« Mon nom est Amine, j’ai 50 ans.
Je suis français. Mes deux grands pères ont obtenu la naturalisation en 1932 à quelques mois de différence. Tous les deux étaient inspecteurs de police à Oran.
Avant de venir en France, je suis allé au Consulat de France à Alger et là on m’a donné quatre passeports,le mien et celui de mes trois enfants, en me précisant que l’on m’inscrivait comme résident français en Algérie. J’obtiens alors une carte consulaire et une carte électorale, qui d’ailleurs me servira pour les élections présidentielles d’avril 2002.
J’ai arrêté de travailler à Arzew où j’étais ingénieur dans une raffinerie et je me suis installé ici avec mon fils aîné Sofiane (17 ans) en septembre 2002. Pourquoi Toulouse ? Parce que mes parents vivaient déjà dans cette ville.
Dès mon arrivée en France, je demande la CNI et le certificat de nationalité pour moi et mon fils, documents que j’obtiens sans problème.
Mon fils Sofiane a commencé sa scolarité en France dès le mois de septembre au Lycée Déodat Séverac en classe de seconde.
Sofiane, alors qu’il parlait peu le français, a brillamment réussi son année et passe en première électrotechnique.
J’en parle parce que j’en suis très fier, c’est là mon seul succès depuis que je suis en France. Tu sais, scolariser mes enfants c’est la raison majeure qui explique pourquoi j’ai voulu vivre ici.
Mes deux autres enfants, Ghizlene (12 ans) et Nassim (5 ans) sont restés avec leur mère.
Et voilà toute mon histoire.
Ma femme, Samira, ne peut pas venir en France. Je n’arrive même pas à lui obtenir un visa de tourisme, alors imagine un visa de long séjour !
J’ai déjà fait 6 demandes de visa et j’espère que cela ne va pas continuer. Il faut que tu saches que maintenant les demandes sont payantes (environ 40€) et que l’argent n’est pas restitué en cas de refus.
Concernant ma femme, la raison du NON s’explique par la transcription de l’acte de mon mariage, célébré en Algérie en 1985, qui n’aurait pas été enregistré dans les services d’état civil au Consulat d’Algérie à Nantes.
Je suis dans une situation d’attente permanente, cela devient très angoissant pour moi. L’administration consulaire de Nantes ne m’a fixé aucun délai.
Je me sens pris dans une histoire de fou et en ce moment je suis comme écartelé entre les deux rives de la méditerranée. La famille est coupée en deux et tout le monde en souffre, surtout les enfants. Je fais de nombreux séjours en Algérie, mais cela me coûte très cher et mes réserves s’épuisent. (Ici, je vis du RMI et là-bas je vis de ce qui me reste de mes économies.)
Je rêve de réunir ma famille et de trouver un emploi. Je suis prêt à prendre n’importe quel emploi même s’il ne correspond pas à ma formation.
Si je suis venu en France, comme je te l’ai déjà dit, ce n’est pas pour des raisons économiques mais c’est pour offrir à mes enfants un chance de s’accrocher à l’avenir.
Le climat en Algérie est trop démotivant pour les jeunes, on a peur du futur.
Maintenant que je suis à Toulouse, je veux être aux côtés de ma femme.
J’ai essayé toutes les voies légales pour la faire venir. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? La couper en morceaux et la ramener dans mes bagages ?
Tu sais, j’ai fait des études en Angleterre et j’ai gardé un peu d’humour anglais. De l’humour, crois moi, il en faut pour tenir le coup. »