Les habitants du quartier de la Reynerie ne demandent qu’à être considérés comme n’importe quels autres habitants de Toulouse.
Une demande qui s’est accrue après les incidents survenus le mercredi 22 septembre dont il nous faut maintenant parler.
Ce Mercredi 22 septembre, les forces de police sont venues procéder à une interpellation de jeunes accusés de vols de voitures à main armée. Il n’y rien à redire au fait que la police fasse son travail. L’émotion qui s’en est suivie a surtout été suscitée par les circonstances et les procédures d’intervention qu’on pourrait qualifier de « militaires ».
Une colonne de véhicules, un bataillon de policiers armés de nouveaux fusils flash-ball, la présence des enfants en cet après-midi ensoleillé. On embarque un jeune de la bande qui n’oppose pas de résistance et qu’on tabasse dans la rue bien en vue de tous les jeunes qui se trouvent au pied des immeubles. On embarque aussi sans ménagement la mère et la sœur qui ne seront relâchées que le lendemain matin.
Par chance, les éducateurs de prévention de l’ASEM s’interposent entre les jeunes qui avaient déjà ramassé des cailloux et les policiers qui les mettent en joue. Le pire a été évité.
Les éducateurs ont demandé que les habitants et les salariés se retrouvent pour un rassemblement le vendredi 24 septembre place Abbal à 17h00. Nous sommes deux cents. Un échange entre les habitants à l’aide d’un mégaphone a pu avoir lieu après le départ des télés et des journalistes. Des femmes disent leur désarroi de voir que rien n’a changé depuis 1998 et que même les choses s’aggravent. Un éducateur témoigne de sa difficulté à faire son travail par manque de solutions pour les jeunes.
Tous, nous sommes fatigués de voir ce quartier se transformer en champ de bataille entre les policiers et les voyous, de constater que les investissements publics ne sont que d’ordre policier. Certains alors parlent du GPV que moins en moins de personne ne comprend et qui devient de plus en plus anxiogène puis qu’il n’est plus question que de démolir.
Une gamine de six ans dit avoir peur des policiers, une autre se plaint du bruit incessant que font les scooters la nuit. On se sépare en proposant une réunion de quartier le mercredi suivant dans les locaux de To7.
Nous sommes cette fois un peu moins, peut-être cent. Il y a un réel déficit de parole, à vrai dire on ne se parlait plus parce que tout est cloisonné. D’autres témoignages se font entendre, agressions, discriminations…Une femme prend la parole et ose dire à quelques jeunes qui participent à la réunion « j’ai peur de vous ». Et cette peur la rend malade, la ronge. Elle a peur de sa peur. Les jeunes sourient et lèvent leurs bras comme pour lui dire « regarde nous bien ». Les mères disent qu’elles étouffent elles et leurs enfants. Comment faire avec des gamins qui ne sont plus scolarisés à treize ans ? Elle disent leur désarroi face au désœuvrement de leurs propres enfants mais aussi leur colère lorsqu’on leur renvoie comme seule image celle de femmes faisant des gamins dans le but de toucher les allocations familiales. Encore une fois se dit le besoin de la reconnaissance mutuelle.
Nous ne voulons pas nous enliser dans la plainte ou la récrimination alors on décide de constituer des groupes de parole sur différents thèmes qui collent aux préoccupations du quartier. Depuis, cinq groupes se sont mis au travail, partagent et dialoguent sur la question du respect, de la place de la femme dans le quartier, de la place des personnes âgées, des discriminations et enfin celle du GPV. Nous en sommes là, reste alors pour nous la reconnaissance comme « pouvoir d’agir ».
d’après l’Edito du no 107 du « 7 », journal de TO7