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Comment comprendre les violences urbaines au Mirail ?

Article proposé le jeudi 8 décembre 2005, par Jean-Pierre Nizet


Pourquoi des jeunes, en grande majorité mineurs, se sont retrouvés ce vendredi 4 novembre place Abbal à la Reynerie pour y brûler des voitures et ouvrir le bal détestable des violences urbaines à Toulouse ?

Comprendre ne veut pas dire simplifier d’autant que beaucoup d’éléments souterrains nous échappent. Cependant, nous avons la responsabilité dans ce journal de proposer des réponses. Alors pourquoi ?

D’abord, pour faire comme dans les autres cités, la violence étant souvent épidémique. Ensuite, parce que le bouclage du quartier, qui a duré plus d’un mois au printemps dernier, était encore dans tous les esprits. Il y avait là de la part de ces jeunes une réelle volonté de s’affronter avec les forces de l’ordre.
Enfin, osons ajouter que ces jeunes sont pour la plupart déstructurés et piégés par une logique d’autodestruction, de haine de soi et des autres. Comme le dit Yazid Kherfi, venu nous rendre visite à To7, « les jeunes des quartiers sont aujourd’hui plus nihilistes ».

Beaucoup ont voulu faire des incendiaires les porte-parole d’un mouvement social alors que cette révolte était une révolte sans mots. Les bandes étaient composées en grande partie de garçons ados et préados qui ne revendiquaient rien. Peut-être que cet exercice de la violence était leur façon d’exister au monde et de se faire connaître ? Violence alors identitaire mais pas politique.
L’enjeu est justement de reprendre le dialogue avec ces jeunes pour aller vers plus de conscience politique.

Beaucoup ont voulu voir aussi dans ces violences une émeute raciale ou « ethnico-religieuse ».
Il faut rappeler à ceux-là que ces violences, ce sont les habitants du Mirail, en majorité issus de l’immigration, qui les subissent. Ce sont leurs voitures qui brûlent. Ce sont eux qui subissent l’arrêt des transports en commun, les bombes lacrymogènes et assourdissantes, le bruit des hélicoptères qui prolonge jusque dans la nuit celui des pelles mécaniques du GPV.
Ce sont les femmes du quartier qui pleurent devant l‘école maternelle.
Ce n’était pas le Mirail contre les autres quartiers. Mais le Mirail contre le Mirail.

Ayant dit cela, il faut tout de suite ajouter que ces violences ne se sont pas produites n’importe où mais dans des quartiers à habitat social. Elles sont aussi le fruit noir d’un terreau que nous connaissons trop bien. Celui du chômage de masse (44% de taux de chômage sur la Reynerie) alors que le Mirail accueille la quasi totalité des industries de Toulouse.
Celui des discriminations au logement et à l’emploi. ¼ des jeunes demandeurs d’emploi que nous accueillons à To7 ont fait des études supérieures. Pourtant, ils n’arrivent pas à sortir des contrats précaires ou de l’intérim et par conséquent, n’arrivent pas non plus à se loger avec le produit de leur travail.

Tout cela explique pourquoi cette révolte sans mots est devenue pour beaucoup d’habitants une colère qui fait sens. Tout en condamnant les violences, les habitants de la Reynerie que nous accueillons à To7 ont eu le sentiment« qu’il fallait que ça éclate » et que nous étions au bout d’une impasse.
Cette désespérance et les mots qui l’accompagnent sont terribles. Avons-nous d’autre choix que de créer, les uns avec les autres, un nouveau pacte social ?

A l’heure où les mauvais prophètes dressent la France contre la France, il nous est demandé de penser l’avenir.
Ce que je nous souhaite, c’est le courage et la lucidité. Refusons tout discours de rejet de l’autre.
La violence qui fissure le monde peut prendre différentes formes. L’une d’elle serait de diaboliser une nouvelle fois les populations issues de l’immigration. La parole raciste qui se libère aujourd’hui a le pouvoir de brûler les consciences. C’est une autre façon de mettre le feu, encore plus destructrice.

Editorial du « 7 », n° 113, journal de TO7

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1 Message

  • Oui, Jean-Pierre, ton explication de ce qui s’est passé à Reynerie me semble correcte.
    Un peu de « t’es pas cap ! » et de « pourquoi pas nous ? », mais surtout beaucoup cette impasse, ce « zéro-espoir », ce « no future ».

    Mais de le comprendre peut-il aider à améliorer les choses ? Le médecin qui comprend la maladie sait en général mieux la soigner. Mais pas toujours.

    Il nous manque à la fois, me semble-t-il, de savoir quoi faire, et les moyens de le faire. Je suppose qu’en travaillant ensemble on doit pouvoir mieux savoir quoi faire, ensemble aussi. Je sais aussi notre responsabilité de dire ce que nous avons compris, car on a l’impression que M. Sarkosi n’a rien compris du tout, lui. Pas facile de lui parler, mais on peut parler à plein de « petits sarko », nos voisins, nos collègues, notre famille : pour eux aussi la peur est mauvaise conseillère…

    Bon courage à l’équipe de TO7, et plus largement à tous ceux qui travaillent et qui luttent dans ce beau quartier de Toulouse, pour que que le futur soit plus ouvert et plus heureux.

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