Un « petit quelque chose » qui a pour objectifs d’en finir avec les idées toutes faites entre juifs, musulmans et chrétiens et d’ouvrir le dialogue interreligieux dans le quartier du Mirail.
Depuis huit années, la maison de quartier de Bagatelle, les commerçants et habitants de ce quartier du Mirail, organisent la Chorba (la soupe) durant le Ramadan. Plus d’une centaine de repas sont offerts, à l’heure de la rupture du jeûne, à tous, musulmans ou non.
C’est à chaque fois un moment particulier d’échange et de solidarité.
A cette même période de l’année, Hafid et toute l’équipe de la maison de quartier de Bagatelle sont à l’initiative de rencontres interculturelles et interreligieuses.
Que nous soyons inscrits dans une tradition religieuse ou laïque, il s’agit avant tout de reconnaître l’intégrité de la quête de sens y compris chez ceux qui ne partagent pas notre foi, nos convictions et qui s’appuient sur d’autres textes fondateurs.
Justement cette année le thème choisi était « Thorah, Bible, Coran : notre rapport à l’écriture ».
En s’appuyant particulièrement sur le livre de l’Exode, Daniel Raab, juif libéral, nous a parlé de la Bible Hébraïque et de sa force d’interpellation qui nous exhorte à sortir de nos esclavages.
Jérome Gué, catholique, a insisté sur l’actualité du texte de l’Evangile. L’enjeu étant de s’emparer du texte et de lui faire dire quelque chose pour nous aujourd’hui. Le texte ne se lit pas uniquement, il est nécessaire de le vivre, de l’incarner.
Représentant l’église réformée, j’ai rappelé le grand principe du protestantisme le « Sola scriptura » ainsi que l’importance donnée à la lecture personnelle. Partant de mon expérience, j’ai défendu l’idée que la Bible est la source d’un questionnement fécond. Certainement pas un livre de recettes et de certitudes.
Enfin, Latif Mellouki, musulman, nous a présenté le Coran, les origines de l’Islam et de cette parole première adressée au prophète : « lis » qui conditionne la vie de tout musulman.
Latif Mellouki a rappelé aussi la place centrale de la prière dans le rapport à l’écrit.
Après nos quatre interventions, la parole a circulé parmi tous les participants.
Les échanges ont tourné autour de la question de l’interprétation du texte biblique. Nous avons tous pu mesurer alors la diversité des écoles dans chacune des traditions monothéistes. Les quatre niveaux de lecture dans le Judaïsme, les approches synchroniques et historico-critiques dans le Christianisme, les écoles symboliques et mystiques dans l’Islam et la nécessité de distinguer les sourates mecquoises qui ont pour enjeu le rapport à l’universel et les sourates médinoises qui ont pour préoccupation première la gestion de la cité.
S’en est suivi toute une série de questions qui n’avaient pas de lien direct avec le thème choisi pour cette année mais qui traduisait une réelle volonté de dialoguer, de se comprendre, de partager. Pour exemple, des musulmans nous ont fait part de leur incompréhension devant la notion d’incarnation des chrétiens.
Hafid nous a invité ensuite à partager des gâteaux préparés par des mains juives, chrétiennes ou musulmanes et à boire le thé ensemble en rappelant l’enjeu de ce type de rencontre. « Cette rencontre est un petit quelque chose mais un grand défi pour tous ceux qui veulent en finir avec les crispations identitaires. »
Ce n’était pas ici le lieu de grandes controverses théologiques mais ensemble, juifs, chrétiens, musulmans, non croyants, nous avons offert à notre quartier le signe d’une fraternité agissante. C’était un petit quelque chose comme le dit Hafid, un petit quelque chose qui combat tous les discours de rejet de l’autre dans un quartier durement touché par la crise des violences urbaines et qui connaît en cette période confuse la montée des communautarismes.
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